Comment allez-vous faire pour avoir assez de ressources, notamment énergétiques dans un monde avec autant d’intelligence artificielle?
Il ne faut pas tomber dans le cliché en regardant les documentaires qui traitent de l’EBR. La technologie sera bien présente, mais elle ne sera pas surabondante par rapport aujourd’hui. À vrai dire, la plupart de nos processus de production industrielle sont déjà automatisés aujourd’hui. Chaque français dispose déjà de l’équivalent de 600 esclaves machines pour produire les biens de consommation qu’il utilise au quotidien.
On utilisera l’informatique et de simples algorithmes logistiques pour permettre d’éviter une mauvaise gestion de la production, ce qui n’est même pas un recours à l’intelligence artificielle et est très peu consommateur d’énergie. L’intelligence artificielle pourrait cependant aider tout en réduisant l’impact écologique. Si par exemple ces algorithmes ou l’intelligence artificielle aident à mieux gérer la production de fruits et légumes dans les fermes verticales, pour optimiser la consommation d’eau, la distribution des nutriments, et la production par rapport à la demande, cela permettra d’éviter, comme aujourd’hui, un énorme gâchis d’eau ou de nourriture (50% de la nourriture produite sur la planète n’atteint jamais un estomac). Le rapport entre le peu d’énergie consommée par le système informatique et l’économie considérable de ressources sera largement en faveur de cette dernière.
Si un système informatique permet de réduire le taux d’inutilisation d’une voiture en auto-partage ou d’un objet en prêt dans les centres de distribution, cela permettra aussi de diminuer le gaspillage de ressources.
Si une intelligence artificielle permet d’économiser l’utilisation de l’énergie consommée par un bâtiment, le rapport sera encore largement en faveur de cette dernière.
Si un calculateur permet de calculer, grâce à un algorithme logistique, l’emplacement idéal des usines par rapport au lieu d’extraction et de consommation, là encore l’économie sera supérieure par rapport au système de distribution actuel.
Si l’Intelligence Artificielle est meilleure qu’un oncologue pour diagnostiquer un cancer du sein – ce qui est déjà le cas aujourd’hui-, cela permettra de former moins de médecins pour un meilleur résultat, et de sauver des vies.
Il ne faut donc pas tomber dans une vision cliché et négative de l’informatique et de l’intelligence artificielle véhiculée par certains collapsologues et illustrée par certains produits futiles d’aujourd’hui. Il faut savoir comparer l’avantage important qu’elle offre avec les coûts cachés d’une plus mauvaise gestion.
Bien entendu, cela ne veut pas dire que l’on peut l’utiliser sans contrainte, de manière illimitée, pour des motifs non impérieux, voire futiles.
Des chercheurs ont par exemple montré que l’intelligence artificielle pouvait être dans certains cas un gouffre énergétique. Alors qu’un voyage en avion New-York – San Francisco pour une personne consomme l’équivalent d’une tonne de CO2 (1984 livres), certains modèles d’entraînement d’algorithmes par essai-erreur ont généré, en quelques jours, entre 78 468 et 626 155 livres d’équivalent CO2. Pour référence, un humain moyen génère 11 023 livres d’équivalent CO2 pendant une année. Et une voiture, dans le même laps de temps, génère 126 000 livres d’équivalent CO2. Autrement dit, entraîner un modèle de deep learning pendant 4 à 7 jours émet donc autant qu’un être humain pendant 57 ans, ou que 5 voitures pendant leur durée de vie.
Si cette consommation est faite pour un motif non indispensable et n’ayant pas de rapport avec une économie directe des ressources comme l’industrie du jeu vidéo ou du marketing, il faudrait bien évidemment fixer des conditions d’accès à l’énergie nécessaire pour pouvoir faire tourner ces algorithmes.
C’est le principe de base de l’EBR. Ne jamais dépasser les capacités de renouvellement des ressources terrestres.
Aujourd’hui ce qui consomme beaucoup d’énergie est le refroidissement des serveurs. Il existe plusieurs alternatives prometteuses et écologiques comme le fait d’immerger les serveurs informatiques ou de les placer dans des pays froids. Facebook a déjà placé certains de ses data centers en Suède, et HP dans l’eau en Ecosse.
https://www.futura-sciences.com/tech/actualites/informatique-microsoft-experience-data-center-sous-eau-reussite-totale-61458/
https://netrality.com/innovation/making-data-centers-cool/#:~:text=As%20it%20turns%20out%2C%20when,Circle%20for%20precisely%20this%20reason.
Une autre alternative est d’utiliser des programmes moins gourmands en données et en énergie. Le Mouvement EBR recommande un effort concerté de la part de l’industrie et du milieu universitaire pour promouvoir la recherche d’algorithmes plus efficaces sur le plan informatique, ainsi que de matériel et de logiciels qui nécessitent moins d’énergie. Pour réduire l’énergie produite par les modèles de deep learning, nous recommandons notamment aux développeurs de logiciels d’apprentissage machine d’utiliser des techniques permettant d’économiser du calcul, comme l’optimisation bayésienne et l’optimisation aléatoire.
En conclusion, tout usage de l’énergie à des fins informatiques doit se faire en respectant les critères de l’EBR. Maximiser la productivité tout en respectant les capacités de renouvellement naturelles.
Avec cette double méthode l’EBR sera à la fois écologiquement viable, permettra d’optimiser la répartition des ressources dans notre société en créant une forme d’abondance, et donc, d’affranchir l’homme de certaines tâches automatisables.
Pierre-Alexandre Ponant
